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samedi 20 juillet 2024

Affrontements violents au Bangladesh La police tire à balles réelles, l’armée déployée



La police antiémeute a tiré samedi à balles réelles sur des manifestants au Bangladesh où l’armée, présente en force, patrouille dans les villes au lendemain d’une nouvelle journée d’affrontements meurtriers.



Agence France-Presse

Le mouvement lancé par des manifestations d’étudiants et qui a fait au moins 133 morts cette semaine, selon un décompte réalisé par l’AFP à partir de données de sources policières et hospitalières, a incité la première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 15 ans, à reporter des déplacements à l’étranger.


« Elle a annulé ses visites en Espagne et au Brésil en raison de la situation actuelle », a expliqué samedi à l’AFP son porte-parole Nayeemul Islam Khan.


Les manifestants dénoncent des quotas d’embauche dans la fonction publique qui profitent selon eux au pouvoir en place et réclament désormais la démission de Sheikh Hasina.  


Sillonnées par des militaires circulant à pied ou à bord de véhicules blindés, les artères de la capitale Dacca, une mégalopole de 20 millions d’habitants, étaient désertées samedi matin.


Mais des milliers de personnes sont par la suite redescendues dans les rues du quartier de Rampura et les policiers ont tiré sur elles, faisant au moins un blessé, a constaté l’AFP.


La foule protestait contre le couvre-feu entré en vigueur à minuit et qui doit au moins durer jusqu’à dimanche 10 h (0 h heure de l’Est) sur l’ensemble du territoire bangladais.



« Il y a de l’anarchie dans le pays […]. Les gens se font tirer comme des lapins », a dit à l’AFP l’un d’entre eux, Nazrul Islam, 52 ans.


Tués par balle

Les hôpitaux ont quant à eux signalé à l’AFP un nombre croissant de personnes tuées par balle depuis jeudi, les tirs des forces de l’ordre ayant été à l’origine de plus de la moitié des morts enregistrés depuis le début de la semaine, d’après les descriptions fournies par le personnel médical.


« L’armée a été déployée dans tout le pays pour assurer le maintien de l’ordre public », a déclaré à l’AFP le porte-parole des forces armées, Shahdat Hossain.


Le bureau de la cheffe du gouvernement avait pris une décision en ce sens la veille, la police n’étant à nouveau pas parvenue à maîtriser la situation.


« Des centaines de milliers de personnes » ont affronté vendredi à Dacca les forces de l’ordre, selon leur porte-parole, Faruk Hossain.

« Au moins 150 policiers ont été admis à l’hôpital. Cent cinquante autres ont reçu les premiers soins », a-t-il raconté à l’AFP, ajoutant que deux d’entre eux avaient été battus à mort.


« Les manifestants ont mis le feu à de nombreuses guérites de police » et « beaucoup de bureaux gouvernementaux ont été incendiés et vandalisés », a en outre affirmé M. Hossain.


L’AFP a appris auprès du Dhaka Medical College Hospital que deux policiers avaient trouvé la mort samedi, tandis que quatre autres personnes admises en soins intensifs ont succombé à leurs blessures.  


Un représentant de Students Against Discrimination, le principal groupe organisateur des manifestations, a fait pour sa part savoir à l’AFP que deux de ses dirigeants avaient été arrêtés depuis vendredi.


Les autorités ont par ailleurs imposé dès jeudi une coupure nationale de l’internet, entravant fortement les communications.


Les sites web du gouvernement demeurent inaccessibles et les principaux journaux, dont le Dhaka Tribune et le Daily Star, n’ont pas pu mettre à jour leurs comptes sur les réseaux sociaux.  


Bangladesh Television, le radiodiffuseur d’État, reste aussi hors d’état de poursuivre ses émissions après que son siège à Dacca a été incendié par des manifestants ce jour-là.


Le pouvoir de Sheikh Hasina contesté

Les manifestations, quasi quotidiennes depuis début juillet, visent à obtenir la fin des quotas d’embauche dans la fonction publique qui permettent de réserver plus de la moitié des postes à des groupes spécifiques, notamment aux fils et filles des anciens combattants de la guerre de libération du Bangladesh contre le Pakistan en 1971.  


Beaucoup assurent que le programme bénéficie aux enfants issus des cercles soutenant Mme Hasina, 76 ans, qui dirige son pays depuis 2009 et a remporté sa quatrième élection consécutive en janvier après un vote largement joué d’avance.


Sheikh Hasina, première ministre du Bangladesh

Son gouvernement est accusé par les défenseurs des droits de l’homme d’abusivement user des institutions de l’État pour asseoir son emprise et éradiquer la dissidence, en particulier par l’assassinat extrajudiciaire d’opposants.


Le Haut-Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme Volker Türk a condamné vendredi la répression, parlant d’attaques « particulièrement choquantes et inacceptables ».


« La frustration monte au Bangladesh parce que le pays n’a pas connu d’élections nationales véritablement concurrentielles depuis plus de 15 ans », a observé auprès de l’AFP Pierre Prakash, de l’International Crisis Group.  


« Sans véritable alternative dans les urnes, les Bangladais mécontents n’ont pas beaucoup d’autres options que les manifestations de rue pour faire entendre leur voix », a-t-il jugé.


« L’augmentation du nombre des morts est une preuve choquante de l’intolérance absolue dont font preuve les autorités bangladaises à l’égard des actions de protestation et de la dissidence », a commenté Babu Ram Pant, d’Amnistie internationale.


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