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jeudi 7 mars 2024

Crise en Haïti : La FJKL appelle à un changement radical du haut commandement des forces publiques et de la gouvernance du pays




La Fondation Je Klere (FJKL) appelle à un changement radical au niveau du Haut commandement de la Police Nationale d’Haïti, du Haut état-major de l’Armée et de la gouvernance du pays, dans son rapport en date du jeudi 7 mars 2024

La Fondation Je Klere (FJKL) dit constater que la région métropolitaine est soumise à une grave situation de terreur imposée par les gangs armés depuis quelque temps, situation exacerbée par les évènements de la nuit du 2 au 3 mars 2024 survenus dans la prison civile de Port-au-Prince et de celle de la Croix-des-Bouquets; les gangs armés prennent du terrain de plus en plus et se montrent de plus en plus cruels ; assassinats, décapitations, incendies de bâtiments publics et privés dont des centres hospitaliers, des centres de loisir, des banques, des maisons de commerce caractérisent les actions inhumaines des gangs ; la Police Nationale d’Haïti (PNH) est dépassée et ne semble pas être préparée pour cette situation de guerre ; 

Le Haut commandement de la Police et le Haut état-major des Forces armées d’Haïti subissent les évènements et ne prennent aucune initiative pour freiner l’avancée des gangs et donner espoir à la population civile désabusée; la présence des Forces de police dans les rues n’est plus remarquée dans des communes entières qui sont carrément laissées à la merci des gangs ;

La situation est donc caractérisée par des cas de violations systématiques des droits humains, de vols et l’incapacité de l’État à faire face à ses obligations en matière de sécurité publique, de tranquillité des rues et de sureté publique ;

La Fondasyon Je Klere (FJKL) dit analyser  ici les évènements marquant le quotidien des citoyens de la région métropolitaine du 16 février au 5 mars 2024.

Évolution graduelle du climat de terreur

Le 16 février 2024, le chef de gang de Village de Dieu, Johnson ANDREalias Izo 5 segond publie une vidéo sur les réseaux sociaux dénommée : «Pwojè Izo pou 2024 » dans laquelle il annonce commentil va opérer contre le gouvernement d’Ariel HENRY. Il annonce que chaque chef de gang est un cartel ;

Le 28 février 2024, Jimmy CHERIZIER alias BBQ donne une conférence de presse. Il lance l’opération « rechercher les ministres » et annonce des opérations de déchouquage ;

Le 29 février 2024, les chefs de gangs publient des extraits d’une réunion réalisée par téléphone où tous les chefs de gang ont donné leurs opinions et ont pris la décision de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour vider la prison civile de Port-au-Prince de ses détenus avant de s’attaquer à d’autres cibles comme le Palais National ; Ils ont annoncé leur stratégie :attaquer en plusieurs points en même temps pour occuper la police et mettre la PNH dans l’impossibilité de répondre à tous ces fronts en même temps. Le même jour, ils sont passés de la parole aux actes : des rafales d’armes automatiques sont entendues un peu partout, des bureaux publics, des églises, des commissariats de police et même des hôpitaux sont attaqués ;

La journée du 29 février 2024, est marquée, entre autres, par les attaques suivantes :

- Des Individus armés identifiés comme étant des membres du gang de VitelHomme INNOCENT ont lancé un assaut contre les locaux de l’Académie Nationale de Police ; les assaillants ont détruit une partie du mur de clôture donnant accès au champ de tirs de l’Académie; des agents de la PNH à bord d’un véhicule blindé ont dû intervenir pour repousser les criminels ;

- Des gangs armés ont attaqué le sous-commissariat de Bon Repos. Ils ontassassiné plusieurs policiers, Marion junior 14ème promotion, inspecteur principal; Pierre Luciana 26ème promotion agent 2; Jean Baptiste Guilliamson, 31ème promotion, agent 1 et Pautrace Resula, 32ème promotion agent 1. Les bandits ont saisi un véhicule blindé de la PNH et incendié le sous-commissariat. Ils ont publié sur les réseaux sociaux le cadavre de l’inspecteur principal qu’ils étaient en train de découper par morceaux. Les policiers avaient passé plus de deux heures à lancer des appels au renfort sans succès avant d’être tués par les membres du gang de Canaan ; Cette action a traumatisé l’institution policière et aura un impact certain sur la suite des évènements ; Les policiers abandonneront plus facilement leurs positions aux gangs ;

- Attaque contre le commissariat de Portail Léogane. Des véhicules et des mobiliers ont été incendiés ;

- Attaque contre le sous commissariat de Marché Salomon dans la zone de Bas-peu-de-chose par des membres du gang de « Ti Lapli »

La situation de la prison civile de Port-au-Prince et de celle de la Croix-des-Bouquets

Un climat de tension a régné dans le périmètre externe de la prison civile de Port-au-Prince depuis la dernière semaine du mois de février marqué par des tirs sporadiques, des menaces, et de la présence d’hommes armés dans les parages ;

Quatre chars blindés sont postés dans le périmètre externe de la prison dans le but de repousser les attaques des bandits. L’Equipe Pénitentiaire d’Intervention et d’Escorte (EPINE) de l’Administration Pénitentiaire (DAP) est aux aguets depuis le 28 février. Il y a eu des échanges entre la police et les bandits dans la soirée du 2 mars 2024 ;

Pris de panique, traumatisé par les évènements de Bon Repos ou par choix ou agissant de connivence avec les bandits - ce qu’une enquête devra déterminer - tous les policiers de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) affectés à la prison civile de Port-au-Prince ont abandonné leur poste et ont laissé ouvertes les barrières de la prison aux environs de sept heures du soir le 2 mars 2024, alors que depuis 4 heures PM, les occupants du bloc Titanic avaient cassé tous les cadenas de leur cellule. Signalons que Titanic c’est le plus grand quartier de la prison et celui qui est destiné aux plus grands bandits. Des détenus étaient en contact avec des hommes à l’extérieur de la prison. Épuisé, le groupe d’intervention chargé d’assurer la protection externe de la prison c’est aussi désengagé. Sachant que la sécurité du dehors et de l’intérieur de la prison n’était plus assurée, les détenus du quartier de Titanic ont cassé les cadenas des autres cellules et, par groupes, ils sont allés chercher leurs chefs placés dans d’autres cellules. Le groupe de la Saline est allé libérer Herve Bonnet BARTHELEMY alias Bout Jeanjean, celui de Simon Pelé est allé libérer Jouma ALBERt alias Zouma, etc. Tous les chefs de gangs arrêtés ont leurs équipes au pénitencier national. Des

véhicules postés à l’extérieur de la prison attendaient. Il y a eu une coordination entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. C’est ainsi que la prison est vidée de son contenu sans la moindre résistance ni aucune pénétration de groupes armés qui s’attaquaient à ce centre pénitentiaire.;

Sur trois mille six cent quatre-vingt-seize (3696) détenus qui se trouvaient au pénitencier national ce soir-là, seul quatre-vingt-sept (87) ont répondu à l’appel au retour des responsables de la prison le lendemain aux environs de midi. Trois mille six cent quatre-vingt-seize (3696) détenus se sont évadés ; parmi eux, des criminels dangereux, des kidnappeurs, des violeurs, des terroristes ;

Le même soir, la prison civile de la Croix-des-Bouquets a été attaquée par les gangs dont certains de ceux qui étaient au pénitencier national.

Les policiers se sont désengagés et la prison est vidée de tous les détenus, soit mille trente (1030) détenus ;

En une nuit près de cinq mille prisonniers, plus précisément quatre mille sept cent vingt-six (4726) prisonniers sont jetés dans la nature venant augmenter un climat d’insécurité déjà explosif ;

Immédiatement après l’attaque de la prison de la Croix-des-Bouquets, pris de panique, les policiers ont quitté la ville parce que le commissaire n’avait pas trouvé les munitions et le renfort demandés pour repousser les bandits. L’assassinat odieux des policiers de Bon Repos qui attendaient désespérément du renfort qui n’est jamais arrivé hantait l’esprit des policiers de la Croix-des-Bouquets. Les bandits ont pillé trois succursales de banque, des dépôts de provisions alimentaires, des boutiques de matériaux de construction, des magasins de pièces automobiles dans la ville. Ils contrôlent désormais la ville à cent pour cent.

Bilan provisoire

La Fondation Je Klere dit qu'il est difficile de présenter à date un bilan exhaustif de ces évènements. Mais, le bilan provisoire se présente ainsi :Quatre- mille- sept –cent- vingt-six (4726) évadés ;

Une trentaine de prisonniers tués dont deux à l’intérieur de la prison civile de Port-au-Prince et plusieurs au Boulevard Jean Jacques Dessalines (Grandrue) ;

Une trentaine de morts recensés à Port-au-Prince dans la matinée du 3 mars 2024 ; Une dizaine de morts recensés dans les rues de Croix-des-Bouquets, ajoutés de deux autres qui sont morts à l’intérieur de leurs maisons ;

Une morgue privée (mille souvenirs) se trouvant en face du sous commissariat calvaire de la Croix-des-Bouquets a été incendiée ; les sous-commissariats de Bon Repos, de Delmas 3, de Portail Léogâne, de marché Salomon, de carrefour de l’aéroport, de la Croix-des-Bouquets et les commissariats de Cabaret et de la Croix-Des-Bouquets sont incendiés ou vandalisés; les Bureaux de l’Office National d’Assurance Vieillesse (ONA) de Santo, le Bureau de l’Électricité d’Haïti de Delmas 40 et l’OAVCT de Tabarre sontincendiés ;

Le stade Sylvio Cator, le Ministère de la communication, l’hôpital Saint François de Salle sont pillés et vandalisés ; 

Des maisons de commerce comme MSC PLUS à Tabarre, Capital Bank de Delmas 53, Sogebank, BNC et Unibank, de la Croix des-Bouquets BNC de cabaret , la Coopérative Kotelam de l’Ave Magloire Amboise, Magasin FIFA, Eglise de Saint- Anne, Église Dieu de la rue du centre, la Direction Générale des Impôts de la Croix-des-Bouquets, tout le commerce en général dans le centre-ville de la Croix-des-Bouquets ont été vandalisés ou incendiés.

De la responsabilité du Gouvernement d’Ariel Henry

La FJKL estime que le gouvernement d’Ariel Henry a failli à sa mission première qui est celle de protéger les citoyens se trouvant sur le territoire national, de respecter et de faire respecter les droits humains ;

Le gouvernement depuis plus de deux ans n’a pris aucune initiative pour protéger les citoyens des gangs armés : aucun plan de sécurité, aucun plan de renforcement des forces armées, des forces de police et du service de renseignements. L’argent destiné au service de renseignements a plutôt servi à enrichir les responsables. Les bandits sont mieux organisés que l’État en matière de renseignements ; le gouvernement d’Ariel Henry porte la plus grande responsabilité du chaos actuel.

De la responsabilité des Forces de l’ordre

La FJKL dit qu'elle avait attiré l’attention de la communauté nationale et internationale sur l’incapacité de Frantz Elbé à diriger efficacement la PNH en raison de sa proximité avec les gangs et du fait d’être propriétaire lui-même d’une compagnie privée de sécurité. Elle n’a pas été entendue. Hélas !

Le constat est là aujourd’hui, selon la fondation. Les capacités opérationnelles de la Police ne sont pas renforcées. La police ne fait plus peur aux bandits ; des policiers sont tués, décapités, déchiquetés, humiliés sans que le Haut commandement de la Police ne s’indigne. C’est la police qui a aujourd’hui peur de la rue et non les bandits ;

Le Haut Commandement de la Police Nationale d’Haïti a montré ses limites et est totalement dépassé. C’est incroyable qu’ils soient toujours en poste ;

La Fondation Je Klere estime que le Haut Etat-Major de l’Armée est vieillissant et n’est pas crédible. Certains étaient impliqués dans de graves cas de violation des droits humains du temps des Forces Armées d’Haïti. Il n’a pas montré sa capacité à aider à résorber le climat de violence actuelle.

De la responsabilité de la communauté internationale

La FJKL estime que la Communauté internationale a une part de responsabilité dans ce qui se passe actuellement en Haïti. Non seulement elle supporte aveuglement un gouvernement incapable, incompétent et inefficace, mais aussi et surtout la politique de sanctions présentée comme étant une simple menace pendant trop longtemps a eu l’effet contraire. Tous les chefs de gang qui savent qu’ils seront un jour arrêtés ou tués ont trouvé une bonne raison pour s’allier et se présenter comme une force non négligeable ;

Les simples menaces de sanctions et non suivies d’effets pratiques ontcontribué à unir les gangs et à renforcer leur capacité d’action ; le renforcement de l’armée en ressources humaines et en équipementsa toujours fait l’objet d’un refus catégorique et incompréhensible de la part des décideurs internationaux ; la conséquence aujourd’hui c’est quele pays est incapable de faire face à la situation de guerre qu’imposent les gangs impressionnant en nombre et de loin mieux armés ;

La frontière terrestre avec la République Dominicaine et des ports aux Etats-Unis d’Amérique sont utilisés pour renforcer les gangs en armes et en munitions sans aucun effort des gouvernements américain et dominicain pour stopper l’hémorragie ;

La communauté internationale a conseillé la mise en place de la fédération des gangs, Ceci leur a permis de se renforcer considérablement pour mieux occuper les différents territoires de la zone métropolitaine et même le pays tout entier et de mieux coordonner leurs actions comme celles de la période décrite ;

La promesse de l’arrivée d’une Mission Internationale de Sécurité pour combattre les gangs a pris un temps démesuré à être concrétisée et s’estompe à des obstacles de procédure inhabituelle en matière de coopération internationale et de sécurité. Cet amateurisme au niveau international à renforcer la confiance des gangs en leur capacité à se

faire craindre.

De la responsabilité de la classe politique, des forces économiques et de la société civile organisée

La FJKL dit que la classe politique, les forces économiques et la société civile organisée n’ont pas aidé à résoudre la crise et ont favorisé l’avènement du climat délétère actuel en faisant promotion pour un leadership immoral et irresponsable pour remplacer Ariel Henry ;

Ceux qui s’opposent légitimement à Ariel Henry ne peuvent s’imagine rqu’ils peuvent obtenir le soutien de la communauté internationale pour instaurer en Haïti un État bandit, un ordre public assassin, un narco-État.

C’est faire preuve d’une méconnaissance de la nouvelle réalité politique mondiale actuelle que de s’imaginer qu’Haïti peut se moquer de ses voisins dans la gouvernance de son État ;

La possibilité pour des gangs armés de prendre le pouvoir ou d’imposer leur propre représentant à la tête de l’État est chimérique puisque cela constituerait un mauvais exemple que les gangs des pays de l’Amérique latine pouvaient imiter. Haïti serait une menace pour la stabilité régionale ; Il est hors de question que la communauté internationale ferme les yeux sur cette éventualité ;

Pourtant ceux qui prônent le chaos, la destruction d’Haïti et de ses institutions sont ceux-là même qui obtiennent le support économique et financier nécessaire pour faire promotion d’une forme de capitalisme criminel comme mode de gestion de l’État d’Haïti ;

L’idée d’un complot des gens de biens pour extirper Haïti de l’ancrage de l’insécurité et des ornières du sous-développement ne prend toujours pas corps au niveau de la classe politique, de l’élite économique et sociale du pays qui verse dans la naïveté et l’irresponsabilité.

 Recommandations

La situation chaotique actuelle d’Haïti menace l’existence même d’Haïti comme État indépendant et souverain. Les institutions publiques sont en lambeau. Selon la fondation je Klere « il y a une urgente nécessité de changer la gouvernance de l’État et de la remplacer par une gouvernance plus crédible et plus responsable ;

Un gouvernement de salut public ayant à sa tête le président de la Cour de Cassation de la République avec un cabinet réduit de dix (10) ministres connus pour leur moralité et sans premier ministre pourrait être une bonne porte de sortie de la léthargie actuelle pour créer l’espoir ;

Il faut changer rapidement le Haut commandement de la Police Nationale d’Haïti et le Haut État-major de l’armée pour dynamiser ces institutions ; 

Il faut lancer rapidement une campagne de recrutement de jeunes et ouvrir des centres de formation massive et intensive pour l’armée et la police dans la perspective de faire régner l’ordre sur l’ensemble du territoire national ;

Il faut une politique de sécurité qui met l’emphase sur la sécurité nationale et mettre en place une coordination de toutes les institutions concernées par la sécurité nationale (contrôle de l’intégralité du territoire, des frontières, des douanes, des ports, de la migration)».

Par: Nicolas Vital 

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